LA GUERRE D'INDOCHINE
1 Présentation
La guerre Indochine qui se déroula de 1946 à 1954 sur le territoire du Vietnam, au terme de laquelle la France, souveraine en Indochine, accorda à celle-ci son indépendance.
ConstituĂ©e officiellement sous la souverainetĂ© française en 1905, lâIndochine regroupait la colonie de Cochinchine autour du delta du MĂ©kong et quatre protectorats : lâAnnam au centre, le Tonkin au nord, le Cambodge et le Laos.
2 Les origines du Conflit
La Seconde Guerre mondiale permit aux nationalistes vietnamiens dâaffirmer leur influence. IsolĂ©e de la mĂ©tropole, lâIndochine fut placĂ©e sous occupation japonaise. Si certains Ă©lĂ©ments nationalistes conservateurs rĂ©unis autour de la Ligue pour la libĂ©ration du Vietnam (Vietnam Phuc QuĂŽc DĂŽng Minh), dirigĂ©e par TrĂąn Van An, se ralliĂšrent aux Japonais pour libĂ©rer lâAsie des EuropĂ©ens et des AmĂ©ricains, la majoritĂ© des nationalistes se dressa contre eux.
Ce fut le cas de la Ligue pour lâindĂ©pendance du Vietnam, ou Vietminh, fondĂ©e en mai 1941 par dâanciens dirigeants du PCI (Parti communiste indochinois), comme Ho-Chi- Minh, dans une petite ville de la Chine du Sud. Les objectifs du Vietminh Ă©taient clairs : il sâagissait Ă la fois de lutter contre les Japonais et les Français afin de libĂ©rer le Vietnam et dây Ă©tablir une rĂ©publique "dĂ©mocratique".
AprĂšs la dĂ©faite japonaise, Ho-Chi-Minh dĂ©clencha, le 13 aoĂ»t 1945, lâinsurrection gĂ©nĂ©rale qui conduisit Ă lâabdication de lâempereur Bao DaĂŻ, le 25 aoĂ»t. Le 2 septembre, il proclama Ă HanoĂŻ lâindĂ©pendance du Vietnam et la naissance dâune RĂ©publique dĂ©mocratique du Vietnam.
3 Le début de la guerre en Indochine
Deux Ă©vĂ©nements marquĂšrent le dĂ©but de la guerre. Le 23 novembre 1946, les Français bombardĂšrent le port dâHaĂŻphong, situĂ© au nord du pays, et le 19 dĂ©cembre, les milices du gĂ©nĂ©ral Giap attaquĂšrent les quartiers europĂ©ens dâHanoĂŻ.
Ho ChĂ Minh appela alors le peuple vietnamien Ă la guerre.
Celle-ci opposa dĂ©sormais un corps expĂ©ditionnaire bien Ă©quipĂ© Ă lâarmĂ©e populaire vietnamienne, moins armĂ©e mais soutenue par la population et qui parvint Ă imposer sa stratĂ©gie par la guĂ©rilla.
PlacĂ©s devant le fait accompli, les Français hĂ©sitaient sur lâattitude Ă adopter lorsque le gĂ©nĂ©ral de Gaulle se dĂ©clara partisan de la restauration de la souverainetĂ© française dans le cadre dâune FĂ©dĂ©ration indochinoise. Au Nord, oĂč les Chinois Ă©taient peu disposĂ©s Ă cĂ©der la place aux Français et intriguaient avec les nationalistes, des Ă©lĂ©ments modĂ©rĂ©s, tant du cĂŽtĂ© français que du cĂŽtĂ© du Vietminh, se prononcĂšrent en faveur de nĂ©Ă©gociations.
Le 6 mars 1946 fut signĂ©e une convention qui reconnaissait le Vietnam comme « un Ătat libre avec son gouvernement, son Parlement et ses finances, faisant partie de la FĂ©dĂ©ration indochinoise et de lâUnion française » ainsi que lâunification des Trois Ky (Bac ky, le Tonkin ; Trung ky, lâAnnam ; Nam ky, la Cochinchine), câest-Ă -dire lâensemble vietnamien, soumise toutefois Ă un rĂ©fĂ©rendum, en contrepartie, elle imposait lâinstallation de troupes françaises Ă HanoĂŻ. Dans un contexte de rĂ©surgence du groupe de pression colonialiste en France, celle-ci voulut conserver la Cochinchine sous sa souverainetĂ©.
Au lieu dâorganiser le rĂ©fĂ©rendum prĂ©vu en Cochinchine au sujet de son entrĂ©e dans le Vietnam, lâamiral Thierry dâArgenlieu fit proclamer la rĂ©publique en juin 1946, empĂȘchant ainsi la rĂ©alisation de lâunitĂ© du Vietnam souhaitĂ©e par Ho ChĂ Minh. Celui-ci se rendit Ă la confĂ©rence de Fontainebleau (6 juillet-25 aoĂ»t 1946) pour tenter de trouver un arrangement, qui se rĂ©vĂ©la impossible.
4 Lâenlisement de la guerre
Dans un contexte dâinstabilitĂ© politique en France, cette guerre impopulaire, car lointaine et stigmatisĂ©e dans lâopinion par le scandale de la spĂ©culation sur les piastres, sâenlisa. Pour tenter dâaffaiblir politiquement Ho ChĂ Minh, les Français cherchĂšrent un autre interlocuteur en la personne de Bao DaĂŻ, exilĂ© Ă Hong Kong. Par les accords de la baie dâAlong (5 juin 1948), la France accorda ce quâelle avait refusĂ© Ă Ho ChĂ Minh : lâindĂ©pendance dâun Ătat vietnamien rĂ©uni associĂ© Ă lâUnion française.
Cette tentative se solda par un Ă©chec.
5 Internationalisation et rĂšglement du conflit
Ă partir de 1949, avec lâintensification de la guerre froide, la guerre dâIndochine prit une dimension internationale. Les communistes chinois, qui venaient de lâemporter en Chine (21 septembre 1949), apportĂšrent leur soutien militaire au ViĂȘt-Minh, tandis que la France, sous lâimpulsion du gĂ©nĂ©ral de Lattre de Tassigny, fit appel Ă lâaide amĂ©ricaine.
SubmergĂ©es par lâoffensive de VĂ” Nguyen Giap entreprise en octobre 1952 au Tonkin, en Annam et au Laos, oĂč il pĂ©nĂ©tra en avril 1953, les troupes françaises placĂšrent leurs derniers espoirs dans le plan de leur nouveau chef : le gĂ©nĂ©ral Navarre. Celui-ci prĂ©voyait de concentrer des forces françaises dans la cuvette fortifiĂ©e de Dien Bien Phu afin dâattirer lâarmĂ©e du Vieminh dans un piĂšge. Lâattaque commença le 13 mars 1954, et, le 7 mai, les 15 000 Français capitulĂšrent.
La France avait fini par accepter le principe dâune confĂ©rence Ă GenĂšve au dĂ©but de lâannĂ©e 1954. La nouvelle du dĂ©sastre de Dien Bien Phu accĂ©lĂ©ra les discussions en cours. Le nouveau prĂ©sident du Conseil en France, Pierre MendĂšs France, partisan de la nĂ©gociation dans un contexte politique difficile, puisque sâamorçait la guerre dâAlgĂ©rie, sâengagea Ă rĂ©gler au plus vite lâaffaire dâIndochine et se rendit Ă GenĂšve.
Les 20 et 21 juillet 1954 Ă©taient signĂ©s les accords de GenĂšve. Ils mirent fin Ă la « sale guerre » et coupĂšrent le ViĂȘtnam en deux : la RĂ©publlique DĂ©mocratique du Vietnam du Nord au nord du 17e parallĂšle et la RĂ©publique du Sud-Vietnam avec l' ex-empereur de Bao Dai au sud.
Cependant, le problĂšme de lâunitĂ© territoriale du Vietnam restait en suspens. La ligne de dĂ©marcation reprĂ©sentĂ©e par le 17e parallĂšle Ă©tait considĂ©rĂ©e comme une ligne provisoire. Les Ă©lections gĂ©nĂ©rales, prĂ©vues en juillet 1956 pour rĂ©soudre le problĂšme de la rĂ©unification des deux Vietnams, nâeurent pas lieu. En effet, le Vietnam du Sud qui Ă©tait passĂ© sous la prĂ©sidence de NgĂŽ ĂĂŹnh DiĂȘm en 1955 sây refusa et reçut le soutien amĂ©ricain.
Un nouveau conflit allait bientĂŽt sâengager : la guerre du Vietnam.
La mission du Général Leclerc
Le 7 juin 1945, le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) charge Leclerc d'organiser et d'instruire le corps expéditionnaire. La situation ne cesse de se détériorer en Indochine. Peu auparavant, le 24 mars, le GPRF avait promis aux peuples de la Fédération indochinoise une semi-autonomie au sein de l'Union indochinoise, la division en cinq ensembles (Laos, Cambodge, Tonkin, Annam, Cochinchine) étant maintenue.
Le Japon jusque-là invaincu subit un choc décisif avec les bombardements atomiques de Hiroshima et de Nagasaki les 6 et 9 août. La capitulation s'impose ; elle est signée le 2 septembre 1945 sur le Missouri, en baie de Tokyo, par le général MacArthur. Le général Leclerc y représente la France. La défaite japonaise modifie bien des données du problÚme indochinois.
Le 14 aoĂ»t, l'amiral Thierry d'Argenlieu se voit confier la responsabilitĂ© de Haut-commissaire de France pour l'Indochine et celle de commandant en chef des forces terrestres, navales et aĂ©riennes basĂ©es en Indochine pour y rĂ©tablir la souverainetĂ© française. Son affectation ne tient pas au hasard. Le gĂ©nĂ©ral de corps d'armĂ©e Leclerc, le libĂ©rateur d'Alençon, de Paris et de Strasbourg, commandant supĂ©rieur des troupes françaises en ExtrĂȘme-Orient, placĂ© sous son autoritĂ©, est chargĂ© des mesures militaires pour rĂ©tablir cette souverainetĂ©. Leclerc n'a pas les coudĂ©es franches pour faire preuve d'initiative personnelle.
Les deux hommes doivent se rendre le plus vite possible Ă Saigon ; le haut-commissaire s'installera Ă Chandernagor. Mais Leclerc doit voir Ă son quartier gĂ©nĂ©ral de Kandy l'amiral anglais Mountbatten, commandant suprĂȘme des forces alliĂ©es dans le Sud-Est asiatique, qui l'informe le 22 aoĂ»t de l'ampleur de la confusion en Indochine.
A la conférence de Postdam (17 juillet - 2 août), Truman (Roosevelt est mort en avril), Clément Attlee, Premier ministre britannique qui a remplacé Winston Churchill au cours de la conférence, et Staline décident, pour combattre les Japonais, de séparer l'Indochine en deux zones : au nord du 16e parallÚle, les troupes nationalistes chinoises, au Sud, les forces britanniques.
C'est un camouflet pour la France, ainsi Ă©vincĂ©e d'ExtrĂȘme-Orient. Il n'y a plus de forces françaises en Indochine, l'ex-armĂ©e de l'amiral Decoux ayant Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ©e par le coup de force japonais. Les Britanniques n'ont cependant aucune ambition et Mountbatten promet son appui.
Leclerc rĂ©clame des moyens Ă Paris et se fixe pour objectif de reprendre en main la rĂ©gion au sud du 16e parallĂšle en profitant du dĂ©barquement britannique, de parachuter le maximum de moyens politiques et militaires dans le nord en s'appuyant sur les Ă©quipes que le GPRF y a envoyĂ©es, de maintenir et d'affirmer les droits français notamment vis-Ă -vis des AlliĂ©s, de reprendre pied dans la zone chinoise dĂšs l'arrivĂ©e des renforts et de nĂ©gocier sur le plan politique avec les reprĂ©sentants du mouvement viĂȘtminh. GrĂące aux renseignements transmis par Jean Sainteny et Jean CĂ©dile, respectivement commissaires de la RĂ©publique Ă Hanoi et Ă Saigon, il s'informe et mesure la complexitĂ© de la situation.
En cette fin aoĂ»t 1945, le ViĂȘt-minh entreprend la course au pouvoir. Depuis le coup de force japonais de mars, il a profitĂ© de la neutralisation des forces françaises pour accroĂźtre son emprise aussi bien Ă Hanoi, oĂč ses sympathisants sont nombreux, qu'Ă Saigon, en s'appuyant sur les militants communistes et diverses organisations. Le 16 aoĂ»t, le Parti communiste constitue un ComitĂ© national de la LibĂ©ration puis les 18 et 20 aoĂ»t le ViĂȘt-minh se rend maĂźtre de Hanoi et de Saigon. Le 25 aoĂ»t, l'empereur Bao-DaĂŻ abdique ; le mĂȘme jour, HĂŽ Chi Minh forme un gouvernement vietminh et proclame le 2 septembre l'avĂšnement de la RĂ©publique dĂ©mocratique du ViĂȘt-nam (RDV), dont il devient le prĂ©sident.
Le mĂȘme jour, Leclerc est dĂ©signĂ© par le GPRF pour signer au nom de la France l'acte de capitulation du Japon, occasion pour lui de s'entretenir avec le gĂ©nĂ©ral MacArthur qui s'engage Ă ne pas le gĂȘner dans l'exĂ©cution de son programme.
(Extrait du catalogue de l'exposition Leclerc et l'Indochine, Christine Levisse-Touzé et Jacques Vernet, Ed. Paris Musées, 1997)
La LĂ©gion ĂtrangĂšre au Tonkin
Au total, de 1946 à 1954, ce ne sont pas moins de 72 833 légionnaires qui servirent en Indochine. Avec plus de 10 000 morts, la Légion EtrangÚre enregistre le taux le plus élevé en pertes humaines: prÚs de 12 % pour les Képis Blancs.
La 91Ăšme escadre de bombardement Gascogne
Le 1er janvier 1951, la 91Úme escadre de bombardement Gascogne renaßt en Indochine sur B 26 Invader. Un mois plus tard, opérationnel, il opÚre au Tonkin et dans la région de Haïphong. Il termine la campagne d'Indochine à Dien Bien Phu en 1954. AprÚs avoir effectué 21.000 heures de vol, perdu neuf équipages, le groupe est de nouveau dissous en novembre 1955.