C'était le 18 juillet 1949 à Saïgon
Prise d'Armes pour la commémoration de l'appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle.
(L'appel du 18 juin est le premier discours prononcé par le général de Gaulle à la radio de Londres, sur les ondes de la BBC, c'est un appel aux armes dans lequel il appelle à ne pas cesser le combat contre l'Allemagne et dans lequel il prédit la mondialisation de la guerre)
© Photos de Raymond Varoqui, né le 7 juillet 1921 à Ottange (Moselle) décédé le 8 février 2013. Il est incorporé au SCA (Service cinématographique des armées) comme reporter photographe en 1948. Il est dès lors envoyé en mission auprès du SPI (Service presse information) en Indochine.
C'était le 11 novembre 1950
C'était le 10 avril 1956 à Saïgon
Article paru dans le "Journal d'Extrême-Orient" du 11 avril 1956
Par Jacques Lefebvre
Le suprême adieu du Corps Expéditionnaire Français aux
Soldats tombés sur le sol d'Indochine
La foule s'est amassée devant le cinéma "Eden" au 183 de la rue Catinat (Passage de l'Eden)
Le Corps expéditionnaire français en Indochine, représenté par cinq derniers détachements symboliques courtoisement accompagnés d'une compagnie vietnamienne, s'est mis en règle hier avec ses morts avant de quitter définitivement le Vietnam.
Cet adieu s'est déroulé à 17 heures sous un ciel gris et orageux, devant le monument de la place Chiên-Si (ex-place du Maréchal Joffre).
La prise d'armes, minuscule par ses effectifs, avait attiré des milliers de spectateurs, non seulement sur le plateau, mais jusqu'au quai de la rivière.
Nous avons été frappés par la gentillesse - il n'est pas d'autre mot - du public vietnamien, et plus encore par la sympathie souvent visible et, note plus importante à nos yeux, par l'estime qu'il témoignait à nos soldats; voilà des choses qui se sentent.
Ce n'étaient pas des vaincus que ce public voyait passer; on ne regarde pas ainsi des vaincus comme cela. Nous en avons conclu que certaines calomnies déversées sur le Corps Expéditionnaire n'ont pas trouvé prise auprès de la masse. On a voulu grossir le désastre local de Diên-Biên-Phu (fruit de l'erreur d'un stratège) à l'échelle de toute la guerre; on a voulu faire, des huit ans de la guerre d'Indochine, un gigantesque Điện Biên Phủ français.
Comme si nos soldats n'avaient pas, la moitié du temps, "joué dans les buts" de l'adversaire !
Comme si les Vietminh n'avaient pas copieusement saigné sous les coups des F.A.E.O. !
La nouba des tirailleurs Marocains
La nouba des tirailleurs Marocains défilant devant les officiers Vietnamiens et Français.
Điện Biên Phủ lui-même une page de gloire, quant au combattant, une page de gloire souvent admirable. Qu'on relise le récit du médecin-commandant Grauwin, nous montrant tant de ses blessés, repartis, entortillés de pansements, au combat en volontaires ! Et la mort de ses amputés récents, tués sur leur pièce, un bandage sanguinolent au bout du fémur !
Mais l'électeur, mais la France, ne voulait plus cette guerre, qui détruisait trop de ses fils et fauchait, au fur et à mesure la quasi-totalité des promotions de Saint-Cyr.
"P.M.F."(Pierre Mendès-France), pessimiste et réaliste, à demi-medium, le perçut intensément; il "laissa cela"; l'Histoire seule dira s'il avait choisi l'instant propice.
Ce ne sont pas en tous cas nos soldats qui furent vaincus, malgré l'échec momentané dans la cuvette maudite, c'est la France qui arrêta les frais; le Corps Expéditionnaire n'alla pas "au tapis" pour le compte; c'est le soigneur métropolitain qui jeta l'éponge.
La foule française, recueillie et vibrante
La foule vietnamienne, silencieuse et amie
Une foule saïgonnaise de toute origine.
Tout ceci, il fallait bien que le public vietnamien le sentît hier tantôt, pour qu'il se pressât si spontanément, non seulement sur le passage, mais au devant des hommes.
Nous avons vu, rue Catinat, lors du défilé de retour (aux accents paradoxaux du Champ du Départ), une jeep de police, en tête de la nouba des tirailleurs, qui devait faire parfois, fort adroitement, avec douceur et bonne humeur, office de charrue, dans cette foule (pour les huit dixièmes vietnamienne) afin de creuser leur passage aux soldats.
On félicitera le général Pierre Jacquot pour l'idée si noble de cette prise d'armes, pour la composition des détachements, pour la protection sobre et discrète de l'ordonnance d'ensemble. On remerciera les Vietnamiens pour la participation voulue de leurs troupes - l'allure des paras était splendide -, pour la présence de leurs autorités civiles et militaires, pour la débonnaireté de leur police.
Quant aux Français, ils étaient tous là , ou presque tous, et nous n'avons qu'à descendre en nous-mêmes pour savoir ce qui se passait dans leurs âmes.
Un mot personnel en post-scriptum
A ces impressions rapides, nous nous permettrons, en nous excusant, d'ajouter pour nos lecteurs- oserons dire nos amis ! - un mot personnel...
Un article tout trempé de mélancolie que nous avons de projeté de consacrer, dans notre journal d'hier matin, à la cérémonie funèbre qui allait se dérouler quelques heures plus tard, n'a pu paraître.
Certains amis français, dont l'avis à nos yeux ne peut se discuter, nous en avaient, après avoir demandé à le lire, impérieusement "déconseillé" la publication.
La veille, c'étaient des amis d'une autre nationalité qui nous avaient, sur un autre sujet, remis "dans la ligne".
La confirmation, ainsi répétée de part et d'autre, de l'impossiblité où nous sommes de traduire librement une pensée libre de journaliste nous semble imposer, dans le respect constant des droits du lecteur, une démarcation publique entre nos responsabilités professionnelles et celles fort différentes parfois que nous assumons devant notre conscience et dans la pensée de nos amis.
Ces dernières responsabilités, nous les exercerons désormais dans le secteur privé, hors des limites de ce journal.
Pour le reste, notre devoir de journaliste et de chef de rédaction, nous le remplirons sous le couvert de l'anonymat, qui nous épargnera un "engagement" devenu impossible.
Nous ne signerons plus aucun article, mais nous continuerons d' "arranger" passionnément la "copie"; et si nous biffons, sur la manchette de ce journal, auprès de notre nom le titre de "rédacteur en chef", c'est parce que nous refusons par nous même, d'être affublé plus longtemps devant l'opinion de cette qualification d'imposture. Notre office n'en continue pas moins sur le plan technique avec la même conscience, le même dévouement aux intérêts de la France et des Français, le même acharnement...
...Ces minuscules détails de "cuisine intérieure" ne présentent, nous en sommes sûrs, aucun intérêt aux yeux du lecteur, qui n'attend après tout des journaux que pas mal d'information et quelque peu de divertissement; aussi nous excusons-nous derechef de l'en avoir,avisé, sous l'effet d'un scrupule élémentaire de conscience.
J.L.
Les parachutistes Vietnamiens et la nouba des tirailleurs passant
Duong Tu-Do redevenu pour quelques instants la rue Catinat
Les parachutistes Vietnamiens et la nouba des tirailleurs.
Le corps expédtionnaire français a défilé pour la dernière fois dans les rues de Saïgon le 10 avril 1956, accompagné de ses frères vietnamiens.
Les voici défilant côte à côte, fusil sur l'épaule et drapeaux en tête.
La cérémonie funèbre place Chiên-Si
Cinq détachements Français et un détachement Vietnamien avec drapeau et étendards ont, après la cérémonie, défilé devant les autorités avant de traverser la ville vers les quais.
Des milliers de spectateurs français et vietnamiens cordialement mêlés, s'étaient massés aux alentours de la place Chiên-Si (ex-place du Maréchal Joffre) et sur les trottoirs de la rue Duy-Tân, derrière la cathédrale.
Les Associations patriotiques françaises, une délégation des Français de l'Inde et de nombreuses personnalités civiles et militaires, tant vietnamiennes que françaises et étrangères, avait pris place sur le terre-plein où se trouve le Monument aux morts.
Cérémonie au monument aux morts de Saïgon
Le Général Pierre-Elie Jacquot est nommé, par le Président de la République René Coty, commandant en chef en Indochine, fonction qu'il exercera jusqu'au 31 août 1956. A sa gauche Henri Hoppenot dernier commissaire-général français en Indochine (surnommé par les militaires "Hope Not".
On remarquait notamment la présence de la plupart des membres du Corps diplomatique, du préfet de la région de Saïgon-Cholon, de monsieur Bazé, conseiller de l'Union Française et du Service français d'information.
C'est par les honneurs rendus aux drapeaux et étendards que débute la cérémonie à 16h.30. Quelques minutes plus tard arrive le général de brigade Aubert, suivi à 16h.45. du vice-amiral Jozan des Forces maritimes en Extrême-Orient, du contre-amiral Douguet, commandant les Forces maritimes en Indochine, du général Lê van Ty, chef d'état-major des F.A.V.N., accompagné de deux autres généraux, de messieurs Filliol, ministre plénipotentiaire, haut-commissaire adjoint, et Hessel, conseiller auprès de l'ambassade.
A 16h.55, le général de corps d'armée Jacquot, commandant en chef en Indochine, arrive à son tour au pied du mémorial et les honneurs lui sont rendus par les troupes.
Il en sera de même, cinq minutes plus tard, lors de l'arrivée de l'ambassadeur Hoppenot et de monsieur Trân Trung Dung, secrétaire d'Etat adjoint à la Défense nationale, représentant le Président de la République.
Tandis qu'officiers et soldats demeurent figés au garde à vous résonnent alors les sonneries "Aux Champs", "Au Drapeau" suivies des éclats de "La Marseillaise" et de l'hymne vietnamien.
Les parachutistes Français présentant les armes
Les parachutistes Français présentant les armes au monument aux morts.
La minute de silence
Le général Jacquot au garde-à -vous au monument de Saïgon.
Il est 17 heures lorsque le général Jacquot dépose une gerbe du Monument aux morts. (D'autres gerbes seront déposées un peu plus tard par les Anciens du Corps Expéditionnaire, les Français de l'Inde...)
C'est alors le moment le plus émouvant: celui de la poignante sonnerie "Aux Morts" et la pieuse "Minute de Silence".
La foule a commencé, lentement, d'un mouvement irrésistible, de rompre les minces barrages; elle s'est tout entière massée à proximité immédiate du terre-plein, communiant dans le souvenir de tous ceux, Français, Vietnamiens et Français de l'Union Française qui sont morts au Champ d'honneur.
La "Marseillaise" et l'hymne vietnamien clôturent cet hommage du Corps Expeditionaire aux soldats disparus.
Le Général Jacquot et deux gendarmes déposent une gerbe au Monument aux Morts de Saïgon.
Le général Jacquot embrassant le drapeau vietnamien.
Le défilé militaire
Très simplement, les autorités gagnent alors à pied l'angle de la rue ex-Marc Pourpe, où elles vont assister au défilé des troupes qui s'apprêtent à quitter le Monument aux morts et à descendre la rue Duy-Tân.
Au pied du mémorial, les clairons sonnent. Le sergent-major lance sa canne. La petite, mais glorieuse troupe, s'ébranle.
D'abord la Nouba des tirailleurs, gantée de blanc, aux parements de clairons vert et or; puis les drapeaux et étendards - dont le vietnamien - avec leur garde d'honneur; puis les "paras" vietnamiens en tenue de campagne.
Un petit groupe de gendarmes français, coiffés du képi, vient ensuite, suivi des "paras" français précédant les tirailleurs.
Marins et aviateurs ferment la marche. Jamais on ne vit si minuscule défilé, derrière tant de drapeaux !
Les parachutistes Français sur la rue Catinat
Les parachutistes Français devant le numéro 69 de la rue Catinat.
À travers la ville
En quelques instants ils sont passés; les autorités regagnent leurs voitures. Les détachements contournent alors derrière la Nouba retentissante, la rosace de circulation boulevard ex-Norodom - noire de monde, telle qu'un navire circulaire bondé - puis la cathédrale, et s'avançant vers la rue Catinat, muette, pétrifiée, débordante de foule.
Le "Chant du Départ" retentit à pleins cuivres.
Le défilé continuera ainsi, fréquemment applaudi, par le quai de l'Argonne et jusqu'à la caserne Lagrandière, où s'opéra la dislocation.
Départ des aviateurs du dernier contingent militaire Français de Saïgon devant l'Hôtel Majestic situé au 1 rue Catinat.
Un grand merci à Gérard O'Connell
Radio Hirondelle
Article paru dans le "Journal d'Extrême-Orient" du 11 avril 1956
Les émissions de "Radio-Hirondelle", "La Voix des Forces françaises en Extrême-Orient" cessera d'émettre le 11 avril 1956 à minuit et le silence qui s'installera sur leurs ondes marquera de façon concrète le départ effectif du Corps Expéditionnaire.
Voici le texte de l'allocution prononcée par le Général Jacquot, commandant en chef, à l'occasion de la cessation des émissions de la station "Radio-Hirondelle":
"Radio-Hirondelle" cessera ses émissions le 11 avril au soir. Les équipes successives qui l'ont animé depuis cinq années auront le droit d'être fières d'une mission bien remplie. Dans quelques semaines "Radio-Hirondelle" renaîtra sur la terre d'Afrique et le dernier carré du Corps Expéditionnaire qui m'écoute ce soir à Saïgon sera sans doute parmi ses auditeurs.
Le destin des armées des vieilles nations militaires consiste en effet à ne pas connaître de repos. Aux missions qui s'achèvent au Vietnam vont succéder d'autres missions délicates. Le gouvernement de la République connaît votre courage et sait votre expérience. Je suis certain que vous ne décevrez pas les espoirs que la nation met en vous.
C'est en vous disant ma confiance dans votre résolution et ma foi dans les destinées de la Patrie que je vous souhaite bonne chance, alors que va se taire le poste qui soutint si longtemps et si efficacement le moral du Corps Expéditionnaire.
Le USS Saint-Paul (CA 73)
Les Français cèdent la place aux Américains et, dans l'indiférence générale de l'opinion générale de la métropole, quittent l’Indochine, presque un siècle après leur arrivée.
Déjà dès 1955 des bâtiments américains naviguent sur la rivière Saïgon, sur la photo de gauche le USS Saint-Paul (qui a été lancé le 16 septembre 1944 à Baltimore) devant l'hôtel Majestic et la rue Tu Do (ex Catinat), sur celle de droite le USS Saint-Paul éprouve quelques difficultés à faire demi-tour sur la rivière Saïgon.
La Marraine de l'USS 73 fut Mme John J. McDonough épouse du Maire de Saint-Paul (Minnesota).
Le USS Saint-Paul fit les campagnes de Chine, de la Corée et du Vietnam, il a été désarmé le 30 avril 1971.
C'était le 29 juillet 1964 à Saïgon
Les "soldats" Français renversés au Vietnam.
Deux statues de bronze de "Poilus" de l'infanterie Française de la Première Guerre Mondiale d'une hauteur de 9 mètres ont commencé, la nuit dernière, à être renversée, par les étudiants Vietnamiens de Saïgon, à l'aide de cordes attachées aux effigies du Monument aux Morts Français. Les étudiants ont renversés ces statues et une autre une femme symbole de la République Française la "Paix" qui sont des manifestations anti-Françaises.
Plus tard une foule en colère de Français et de Françaises se sont rassemblés sur les ruines du monument et ont essayé de se battre avec chaque Vietnamien qui passait.
La police a réussi à disperser la foule avant tout combat n'est réellement commencé.
© Associated Press 1964